Sébastien Dorel
Le tourisme autrement
La station de ski les Karellis (Savoie) est gérée depuis 1975 par une association issue de six structures associatives et de la commune de Montricher-Albanne. C’est un cas unique en Europe. Au sein de la station, tous les commerces et restaurants sont eux-mêmes gérés par une coopérative de consommateurs, la SACMAC, dont les six associations sont les administrateurs. La station met l’accent sur la mixité sociale et le développement durable. L’association, le Conseil supérieur des Karellis, compte une douzaine de salariés, tout comme la SACMAC ; avec les emplois dans les remontées mécaniques, cela représente donc 60 équivalents temps plein et il y a près de 500 saisonniers dans les deux périodes d’exploitation de la saison, en été et en hiver. Le chiffre d’affaires de la station est de 20 millions d’euros, dont 4 millions d’euros pour la SACMAC.
« A l’origine du projet d’une station différente, il y a Pierre Laîné, fondateur de Renouveau Vacances, une association de tourisme à vocation sociale (qui a fusionné en 2014 avec Villages Vacances Soleil). Il a eu l’opportunité en 1975 d’appliquer ses idées d’un développement harmonisé, prenant en compte les enjeux économiques, sociaux et environnementaux locaux, lorsque les communes de Montricher-Albanne lui ont confié la DSP (délégation de service public) de la station, avec ses partenaires : la Fédération Léo Lagrange, La Poste, les Coopératives de consommateurs, le Relais Soleil Vacances et ALP. Pour bâtir la station de toutes pièces, les habitants ont donné leurs terres à la commune et la commune a établi un bail emphytéotique pour le gérant de la station. Entre 1975 et 1981, six villages de vacances ont été construits (2 300 lits), constituant la nouvelle station Les Karellis.
Nous avons redonné de la vie aux villages, qui pendant quelques années, ont même pu rouvrir une école. Ils comptent aujourd’hui 650 habitants. La vocation sociale de la station résidait pour ses fondateurs à la fois dans l’accueil de publics à faibles ressources, et aussi dans la création d’emplois locaux. Deux objectifs qui sont parfaitement remplis. En lien avec l’Agence nationale du chèque vacances et aussi avec les centres sociaux, nous favorisons la mixité sociale. De plus, nous employons 500 saisonniers, été comme hiver, en mettant à leur disposition un foyer des saisonniers, et une navette pour faciliter leurs transports. Le taux de fidélité est important : aujourd’hui, on voit arriver dans notre station les petits-enfants des premiers occupants des villages. Nous avons également reçu le label du magazine Parents, qui souligne l’accueil que nous faisons aux familles. Nous portons enfin une attention particulière au développement durable, notamment pour la gestion des déchets.
La clef de voûte de l’organisation, c’est le Conseil supérieur des Karellis, qui regroupe les six associations pionnières, ainsi que la commune. C’est le CSK qui reçoit la délégation de service public, par subdélégation du Renouveau. C’est une association qui gère la station, l’office de tourisme, des services (comme le déneigement et le fleurissement), avec douze salariés. Les commerces de la station (cinq magasins et cinq restaurants) sont gérés par une coopérative de consommateurs, la SACMAC, qui a été créé dans les années 1980, à partir d’une fusion des commerces locaux, pour que le chiffre d’affaires local reste sur le territoire. La SACMAC est un outil de développement de la station, avec une gestion partagée entre le directeur et les hébergeurs. De leur côté, tous les commerçants sont salariés de la SACMAC, ce qui représente un total de 11 personnes. Ce qui est gagné dans la coopérative SACMAC est réinvesti dans la station, pour assurer sa pérennité et un meilleur service pour les clients : les centres de vacances sont régulièrement rénovés et améliorés. C’est bien la coopérative qui crée de l’emploi à travers ses investissements.
La station a les reins solides, mais la délégation de service public s’achève en 2019. Les associations qui composent le Conseil supérieur des Karellis souhaitent poursuivre l’aventure. Nous pensons qu’il y a toujours un potentiel important, qui s’est développé au fil des années dans une logique coopérative et de développement local. Techniquement, nous pensons aussi que la station devrait être reliée à un autre domaine skiable pour accroître son attractivité. Jusqu’à aujourd’hui, c’est une petite station, mais gérée sur un modèle différent. »
Janvier 2016