Nicolas Nydegger
Intercoopération : faire travailler ensemble bouchers et éleveurs
La CAMVA est la coopérative artisanale des métiers de la viande de l’Aude. Elle a été fondée en 1973 par des bouchers de Carcassonne qui voulaient faire des achats groupés de produits complémentaires (papiers, emballages, etc.) et qui souhaitaient pouvoir mieux répondre aux questions sanitaires en émergence. La CAMVA compte aujourd’hui une centaine de sociétaires (la part sociale est de 77 euros) et huit salariés pour un chiffre d’affaires de 3,6 millions d’euros.
« La CAMVA a toujours eu une politique de proximité entre les bouchers et les éleveurs (principalement de porcs et d’agneaux), ce qui explique aussi que nous travaillons avec les mêmes producteurs de viande depuis des années. Cette politique s’est renforcée en 1980, quand, à la fermeture de l’abattoir de Carcassonne, nous avons fait le choix de travailler avec l’abattoir de Castelnaudary, qui nous permettait de nous rapprocher encore plus des éleveurs. Les éleveurs sont eux-mêmes regroupés en coopératives, ce qui nous fait travailler dans une logique de circuits courts. Parmi les coopératives d’éleveurs avec qui nous travaillons, il y a Arteris, une très grande coopérative spécialisée dans les agneaux et les porcs, une importante coopérative de Castelnaudary. Au travers de la CAMVA, nous valorisons aussi leurs produits d’élevage.
Pour expliquer notre mode de fonctionnement, j’évoque l’image du sablier, avec plusieurs strates successives liées entre elles : les éleveurs, les coopératives d’éleveurs, les coopératives de bouchers, les bouchers. Statutairement, il n’y a pas d’adhésion croisée qui soit possible entre les coopératives, mais nous nous invitons mutuellement à nos assemblées générales, tout en ayant entre nous des relations commerciales normales, qui peuvent être parfois rudes, car nous leur garantissons des prix élevés ! Nos sociétaires sont très présents lors des AG. Nous organisons aussi des visites de sites : les bouchers vont voir un élevage de porcs et inversement, des éleveurs viennent se rendre compte sur place de ce qu’est une coopérative. On crée des contacts directs, ce qui permet aux uns et aux autres de mieux connaître leurs métiers respectifs.
Notre politique est bien sûr d’offrir les meilleurs services aux bouchers de l’Aude. Sur cent trente répertoriés dans le département, nous comptons pas loin de 100 adhérents. On leur demande de prendre des parts sociales dans la coopérative, à hauteur de quinze jours de leur chiffre d’affaires. Nous avons quelques adhérents non bouchers, comme la Ville de Carcassonne, ce qui nous permet de faire un peu de vente directe à des cantines, et quelques restaurants. Car légalement, nous devons vendre au moins 80 % de nos produits à nos seuls adhérents. Nous leur vendons des viandes découpées ou transformées. Comme les prix des viandes sont fixés à l’année, cela permet de calculer des revenus lissés pour les bouchers. Du côté de la coopérative, nous avons une marge réduite.
Il y a quelques années, nous avons investi dans un bâtiment de 800 m2 au cœur de Carcassonne. Nous avons fait des aménagements successifs pour améliorer nos prestations aux sociétaires : laboratoire en 2000, nouvelles chambres froides en 2008 (300 000 euros investis), espace de stockage pour les produits complémentaires (boîtage, emballage, assaisonnements, etc.). Nos huit salariés travaillent sur les différents postes pour fournir les bouchers à la demande. Nous avons également une politique de communication pour mieux faire connaître les produits : nous avons édité des publicités pour équiper les boucheries, avec une marque Pays cathare. La CAMVA est identifiée dans chaque boucherie. Face aux demandes des consommateurs, nous mettons aussi l’accent sur la traçabilité des produits depuis plus de 10 ans.
Notre politique consiste à faire évoluer les métiers de la boucherie, en fonction des demandes des consommateurs. Nous avons aussi pour mission de donner des conseils économiques et de gestion à nos adhérents. Nous sommes aussi soutenus par la COOBOF, la Fédération nationale des groupements d’achats et coopératives de la boucherie-charcuterie française, qui a les mêmes aspirations aux circuits courts et aux rapprochements entre bouchers et éleveurs. Au fil des années, nous sommes enfin devenus un des acteurs importants de l’économie régionale, en participant à un éco-système performant et innovant. »
Janvier 2016