Montcapel
Au moment où le discours sur la réindustrialisation de la France et la relocalisation de l'économie s'impose dans le débat public, l'initiative de cette jeune coopérative est exemplaire.
Montazels, 500 habitants, dans la vallée de l'Aude. Son église, son château... et sa fabrique de chapeaux ! Cette dernière, fleuron industriel du village, faisait travailler jusqu'à 600 personnes à ses heures de gloire... Elle met la clé sous la porte en mars 2018. Aucun repreneur ne s'étant manifesté, en novembre, Sonia Mielke, dont les grands-parents sont originaires de Montazels où elle a passé toutes ses vacances depuis qu'elle est petite, apprend que le site (4500 m² de bâtiments tout de même !) va être rasé, que l'histoire de la chapellerie est définitivement terminée.
220 sociétaires
Sonia Meilke ne peut s'y résoudre : « Ce n'était pas possible de laisser partir un patrimoine de cette importance ! » se souvient-elle. À son initiative, un premier cercle de 7 personnes se forme pour trouver une solution. L'un d'eux soumet l'idée de créer une coopérative pour associer le maximum de personnes autour de ce projet qui relève autant de l'opération de sauvetage patrimonial que de la renaissance d'une filière économique. Un an plus tard la Société coopérative d'intérêt collectif MontCapel est créée pour reprendre l'usine à l'arrêt et relancer l'activité. Un défi presque insensé à première vue, mais dont les atouts sont pourtant réels. La chapellerie de Montazels était la dernière fabrique de chapeau du département, la seule en France à fabriquer elle-même la matière première des chapeaux : le feutre, obtenu à partir de laines françaises qui permet aujourd'hui à MontCapel d'afficher qu'elle est la seule à aller « de la laine au chapeau » ! Ils sont aujourd'hui 220 sociétaires à avoir réuni les 350 000 euros de capital nécessaires au démarrage du projet : 30% de locaux, 50% d'ailleurs en France, 10% d'étrangers, une douzaine d'entreprises et la commune de Montazels dont le maire, Christophe Cuxac, s'engage avec l'apport en nature, au capital, de la ligne de production, l'usine appartenant à la collectivité.
Vivier de ressources
« Notre première année (2019-2020) a été presque entièrement consacrée à réparer les machines et les rendre à nouveau opérationnelles, avec un investissement de 200 000 €. Et cette année 2021 a vu le redémarrage de la production. » 8 salariés ont été embauchés, dont un ancien de l'usine, retraité, qui a accepté de revenir au travail : c'était le seul dépositaire du savoir-faire technique que plus personne ne connaissait. De même, l'impressionnante collection de plus de 1500 moules en fonte d'aluminium pour former les chapeaux serait aujourd'hui tombée dans l'oubli sans l'opiniatreté des associés de la Scic. Un inventaire de cette richesse industrielle est en cours, avec l'appui de plusieurs sociétaires bénévoles. « C'est l'avantage de la coopérative : sur nos 220 coopérateurs il y en a toujours qui sont volontaires quand un besoin s'exprime. C'est un vivier de ressources, d'idées et de bienveillance ! » Par exemple, lors du dernier salon du Made in France qui a eu lieu à Paris en novembre, ce sont des sociétaires de la région parisienne qui sont venus tenir le stand du chapelier. À Montazels même, la renaissance de l'usine entraîne toute une série de projets épaulés par la commune et la Région autour de la rénovation de la friche industrielle : il est prévu de créer une salle de spectacle et des locaux associatifs, ainsi qu'un lieu de mémoire, l'usine ayant servi en 1939-1940 de camp d'internement des réfugiés espagnols... La Scic sera alors le fleuron économique de cet espace dont elle occupera, en tant que locataire, la moitié de la surface.
Construire de la bienveillance
« Pour autant l'aventure de MontCapel n'est pas qu'une histoire de patrimoine, explique Sonia Meilke, présidente bénévole de la Scic. L'objectif est de créer une activité économique rentable et durable qui permette à la coopérative de se développer et de perdurer. Un de nos plus gros enjeux est dans la formation, car plus personne aujourd'hui n'est formé à produire ainsi du feutre, surtout sur nos machines ! » La Scic travaille avec des marques, des modistes, des boutiques de mode, qui lui font fabriquer des chapeaux sous leur marque, parfois cosignée avec MontCapel. « Nous ne sommes pas des créateurs de chapeaux, nous sommes des artisans, explique Sonia Meilke. Et nous répondons aux demandes de nos clients, en fonction de leurs besoins et de leurs projets. » Même si vous pourrez toujours acheter un chapeau si vous passez directement à l'usine ! L'embauche d'un jeune commercial, qui avait été bénévole sur le projet pendant un an et demi, permet de rencontrer les clients et d'assurer le lien entre celui-ci et le producteur audois. Si le défi n'est pas encore totalement gagné, il est en bonne voie. Pour la présidente de la Scic, la victoire est déjà là quand elle regarde tout ce qui a été réalisé depuis trois ans : « MontCapel fonctionne et donne de l'espoir à une région délaissée où les gens sont trop souvent défaitistes... Avec le modèle de la coopérative, on construit de la bienveillance autour de nous et cela, j'en suis ravie ! »
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