Ma Coop La Vie au Vert
En Lozère, la commune de Pied-de-Borne, 176 habitants, a bien de la chance. Après plusieurs échecs d'épiciers indépendants qui ont tenté d'y faire vivre un commerce de détail, la commune dispose depuis dix ans d'une épicerie coopérative dynamique : Ma Coop La vie au vert. Et depuis un an, l'équipe à l'origine de cette initiative a créé une auberge coopérative dont le succès a été immédiat. Ou comment l'union des bonnes volontés permet de répondre efficacement à des besoins locaux.
© Crédits photos : Florence Moncenis
Démarche citoyenne
« Personne n'y croyait... » se rappelle Cyrille Souche, le président de la coopérative. « L'épicerie du village venait à nouveau de mettre la clé sous la porte en laissant une ardoise... On dînait entre amis et l'un de nous a lancé : "Et pourquoi on ne la reprendrait pas ?" » En 2011 une association de préfiguration est créée, et en juin 2012 Ma Coop La vie au vert ouvre ses portes au public. Transformée ensuite en coopérative de consommateurs, elle regroupe aujourd'hui 85 coopérateurs et coopératrices et fait travailler 5 à 7 salariés sur 3,5 équivalents temps plein. Les associés bénéficient d'un tarif préférentiel et donnent en échange 3 heures de service par mois. Ainsi, le mercredi une bonne dizaine d'entre eux se retrouvent pour le déchargement de la livraison hebdomadaire et la mise en rayon. En privilégiant des produits locaux, bios, de saison, en travaillant de manière régulière avec des producteurs locaux, sans pour autant supprimer les produits plus classiques, la coopérative a réussi son pari. Recréer un commerce pérenne dans le village, qui est aussi fréquenté par des habitants des communes voisines qui apprécient la diversité et la qualité de l'offre, et préfèrent faire vivre un commerce de proximité plutôt que d'aller faire leur plein hebdomadaire dans les hypermarchés de Mende, Alès ou Aubenas... à une heure de route !
Dynamique économique
Le chiffre d'affaires de la coopérative reflète le succès économique du projet. De 200 000 € en 2013 l'activité est arrivée a plus de 400 000 € en 2020, avec une augmentation significative entre 2019 et 2020 de + 50 % ! Deux raisons à cette hausse : l'effet covid et le retour au local, surtout notable lors des mois de confinement : « On a fait des chiffres d'affaires qu'on ne fait habituellement pas à cette période, et ce, du fait de personnes venues se confiner dans des gîtes et dans des résidences de vacances » explique Cyrille Souche. L'autre raison tient à la création d'une nouvelle activité : l'auberge restaurant des Trois rivières, installée à 5 minutes de l'épicerie, de l'autre côté de la rivière. « Une chambre d'hôte était en vente, un des coopérateurs a apporté l'argent pour l’acquisition, la propriétaire a accepté notre offre d’achat, on a fait ensuite un emprunt auprès du Crédit coopératif garanti par France Active qui nous a permis d'aménager une cuisine professionnelle, et on a ouvert pour l'été 2020. » Un des coopérateurs fondateurs est salarié de l'auberge, secondé par un chef en cuisine et une serveuse. Le succès était au rendez-vous et l'équipe vise à doubler le nombre de salariés pour être ouvert toute l'année et tous les jours du matin au soir !
Prophète en son pays
Pourtant, regrette Cyrille Souche, il y a toujours une partie du village qui ne fréquente ni l’épicerie ni l'auberge coopératives et le soutien de la mairie n'est pas au rendez-vous... « Il y a un peu deux mondes... » Comme si le monde d'après dont on parle tant était déjà là, préfiguré par des habitants qui jouent à fond la carte du local et de la coopération, et celui d'avant, encore engoncé dans ses certitudes et ne voyant pas trop l'intérêt du bio et de l'accueil de nouveaux habitants... Ce blocage, heureusement, n'empêche pas les projets de la coopérative d'avancer. Elle, qui s'est inspirée de La Louve à Paris ou de La Cagette à Montpellier, reçoit maintenant la visite de groupes qui viennent prendre des informations sur son expérience pour la reproduire dans leurs villages... Et Cyrille Souche de rêver : « Si dans 1000 communes il y avait des épiceries coopératives comme la nôtre, vous imaginez le nombre d'emplois qui seraient créés, le nombre de producteurs qui seraient associés ? J'aimerais vraiment aider d'autres communes à faire ainsi leur propre commerce. Et pourquoi n'inventerions-nous pas une nouvelle enseigne de coopératives de proximité ? » Si elle n'est pas prophète en son pays, malgré sa réussite, la Coop La vie au vert le sera pour d'autres. Ce rêve sera peut-être demain une réalité. Rappelez-vous les débuts de la petite épicerie de Pied-de-Borne : « Au début, personne n'y croyait ! »
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