Dominique Chargé
COOPERATIVE AGRICOLE

Dominique Chargé

« Le modèle coopératif est un levier de restauration de notre souveraineté alimentaire »
Dominique Chargé est Président de La Coopération Agricole

Le monde agricole est très coopératif...

Quelques chiffres suffiront pour le démontrer : plus de 3 agriculteurs sur 4 sont adhérents d'une coopérative ; 1 marque alimentaire sur 3 est coopérative ; les 2100 coopératives agricoles françaises représentent le premier employeur privé du monde rural, 65 à 70 % de la production agricole nationale et 40 % de l'agroalimentaire...

À quels enjeux êtes-vous confrontés ?

Depuis le Covid et les pénuries alimentaires liées au conflit en Ukraine, la souveraineté alimentaire est revenue sur le devant de la scène. Elle n’a jamais été autant menacée. Longtemps reconnue comme l'une des puissances agricoles et alimentaires de référence, la France se trouve confrontée à une rétrogradation préoccupante. En vingt ans, notre position dans le commerce mondial agricole et agroalimentaire a chuté de la deuxième à la sixième place. Plus inquiétant, l’assiette des Français est de plus en plus composée d’une alimentation d’entrée de gamme à bas prix produite hors de nos frontières, selon des méthodes bien éloignées des exigences que nous nous imposons.
Remédier à cette trajectoire décroissante exige un changement de paradigme. La reconquête de notre souveraineté alimentaire est une condition sine qua non à toute stratégie européenne et française pour notre secteur. C’est même une condition indispensable à la mise en œuvre de la planification écologique et notamment aux politiques de décarbonation. Je suis persuadé que les coopératives ont tous les atouts en main pour apporter des réponses pertinentes. Le modèle coopératif a montré sa capacité de résilience face aux crises, c’est un levier de restauration de notre souveraineté alimentaire.

Il faut aussi qu'il y ait des agriculteurs...

En effet. Or un agriculteur sur deux partira à la retraite d’ici 2027 et le nombre d’emplois non pourvus dans le secteur a été multiplié par 3 en trois ans (30 000 en 2023 contre 10 000 en 2020). C’est pourquoi nous avons engagé une vaste démarche de consultation pour prendre le pouls des jeunes générations sur les sujets d’agriculture et d’alimentation. Nous avons écouté plus de 800 jeunes et dégagé 5 grands axes de travail autour des sujets d’ancrage territorial des productions, d’attractivité des métiers, de qualité et d’accessibilité de l’alimentation, de santé globale et de collectif. Suite à cela nous avons créé un collectif de jeunes élus, adhérents et salariés de coopératives et du réseau de La Coopération Agricole, qui ont réfléchi à des pistes d’actions concrètes pour répondre aux attentes des jeunes.

« Sur la transition écologique il y a énormément d'expériences et d'innovations dans les coopératives ! »

Comment les coopératives agricoles abordent-elles le changement climatique ?

Nous sommes aux premières loges du changement climatique, nous en sommes aussi les premières victimes (sécheresses au Sud, inondations au Nord, tempêtes à l’Ouest). Les coopératives agricoles se retrouvent au cœur des enjeux de transition écologique de l’ensemble de la chaine alimentaire. La Coopération Agricole conduit une réflexion stratégique qui devra guider son action dans la prochaine décennie autour de trois axes : sensibiliser et accompagner les agriculteurs dans la réduction de leurs émissions et l’accroissement de leur capacité de stockage de carbone ; accompagner la décarbonation de nos émissions directes et indirectes ; définir des politiques publiques soutenant l’agriculture bas-carbone et privilégiant un approvisionnement alimentaire national durable. Trop souvent présentée comme le problème l’agriculture est aussi la solution : stockage du carbone dans les sols, développement de l’agrivoltaïsme, méthanisation… Nous travaillons également à la réutilisation de l’eau dans les industries et notamment dans la filière laitière avec un objectif global de sobriété hydrique. Mais qu’on le veuille ou non, il n’y a pas d’agriculture sans eau.

Les consommateurs vous comprennent-ils ?

Nous devons établir un dialogue constructif avec l'ensemble de la société. Nous avons besoin de créer du consensus pour pouvoir mener les transitions. Tout cela ne sera possible que si nous restons des entreprises compétitives dans le cadre d’une croissance juste. Investir dans les transitions agroécologiques nécessite des moyens et donc de la compétitivité. Pour cela nous nous appuyons sur trois piliers : la science (en prenant en compte les expertises du terrain : il y a énormément d'expériences et d'innovations dans les coopératives) ; les nouvelles méthodes de traitement des cultures telles que les procédés de biocontrôle ; et la pédagogie et la communication pour informer et rassurer les consommateurs. Il nous faut expliquer qu'on ne peut pas affaiblir notre agriculture en interdisant des produits phytosanitaires sans avoir de solution de remplacement efficace qui nous mettrait en difficulté alors que d’autres producteurs en Europe ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Pour nous, entreprises des agriculteurs et des territoires, il est essentiel de retrouver la voie du consensus national, pour que nous puissions assurer sereinement notre mission fondamentale : celle de nourrir nos concitoyens, de faire vivre nos territoires et offrir des perspectives à nos associés coopérateurs, à nos salariés et à notre jeunesse.

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