Christiane Laurent
3 questions sur le thème du sociétariat
Germinal est une coopérative de consommateurs pionnière dans l’alimentation bio. Comment vous différenciez-vous de vos concurrents à l’heure de l’explosion de ce secteur ?
- En mettant en avant notre qualité de coopérative de consommateur qui appartient à ses clients coopérateurs et en insistant sur notre choix de la Bio depuis longtemps et depuis l’origine, soit 1974. En quelques sortes, nous sommes des militants qui avons appris le métier de commerçants et non des commerçants qui sommes devenus militants… Il s’agit bien là d’une fidélité à nos engagements de départ.
- Présente depuis longtemps sur le territoire icaunais, Germinal est un acteur historique qui au fil du temps n’a jamais tergiversé sur ces engagements et le respect de sa charte. Notre coopérative a évolué, a grandi mais avec le souci de ne pas « perdre son âme », de ne pas aller vers la facilité. Cette intégrité, cette éthique et cette transparence sont des gages de confiance.
- En distribuant dans nos magasins une Bio paysanne, exigeante et équitable. Germinal est membre du réseau Biocoop, coopérative de magasins qui portent les mêmes valeurs et les mêmes exigences. Germinal, avec d’autres est à l’origine de la création de Biocoop. Nos achats sont guidés par un cahier des charges qui posent des exigences qui peuvent aller au-delà du label bio européen.
- En prenant en compte qu’il nous faut accompagner le changement des habitudes de consommation voire le solliciter, l’encourager. Pour tendre vers le zéro déchet notre coopérative, à son niveau, a un rôle à jouer : en développant, par exemple, un accès large des produits distribués en vrac dans nos magasins, en laissant la possibilité à nos consommateurs de venir le plus possible avec leurs contenants.
- En favorisant l’humain dans nos magasins, les sociétaires / clients et les salariés. Notre « notoriété » repose sur notre engagement permanent pour un accueil « vrai », avec un réel conseil. La mise en place d’ateliers cuisine, faire soi-même, bien-être permet de participer à notre échelle à une formation, information sur les produits mais aussi à un partage des savoirs pour plus d’autonomie, de résilience. Nos « clients » ne sont pas seulement des consommateurs mais des consomm’acteurs. Nos équipes sont un des piliers. Le bien-être des salariés, leur formation mais aussi leur écoute et leur implication sont des préoccupations permanentes. En tant que coopérative, l’échelle des salaires va de 1 à 3, ainsi est posée la considération pour chaque salarié.
- En offrant aux nouveaux consommateurs, des magasins modernes, accueillants, accessibles et qui mettent en avant l’esprit coopératif et notre histoire.
Quels sont, selon vous, les atouts du modèle coopératif ? Son sociétariat ? Son ancrage local ?
De toute évidence, les deux. Être sociétaire de son magasin bio, c’est finalement favoriser l’ancrage local par une consommation qui a du sens, favoriser l’activité locale, assurer des emplois dans notre territoire.
Être sociétaire est un engagement citoyen pour un projet collectif commun. Le modèle coopératif est fondé sur des statuts. Les principes coopératifs posent un cadre qui garantit la transparence, la démocratie au sein de la structure et aussi sa pérennité. Le conseil d’administration représente les sociétaires. A Germinal, il porte le mandat social.
Tout au long de ces 45 années, l’aventure s’est enrichie par l’investissement des différents administrateurs qui ont chacun, venu d’horizons différents apportés leurs idées, leurs compétences, leur temps bénévolement. Germinal aujourd’hui est le résultat d’une belle aventure humaine basée sur les échanges, le respect de chacun, la volonté désintéressée, la solidarité. Le sociétaire peut agir à plusieurs niveaux, tout d’abord par ses achats, par sa participation aux instances, mais aussi en faisant le choix par exemple de ne pas reprendre sa ristourne pour la laisser au capital de la coopérative.
L’autre atout est le capital de la coopérative qui ne sert qu’un but : satisfaire nos sociétaires en utilisant ce capital pour le développement de la coop et des services aux adhérents. Un capital pour le bien commun qui ne satisfait pas un actionnaire principal mais qui s’inscrit dans la longévité et la pluralité. Un capital qui appartient à ses sociétaires, pour la plupart, icaunais (habitants de l’Yonne) et qui reste majoritairement utilisé sur le territoire.
Notre modèle se pose comme une alternative à une sortie d’un modèle « tout capitaliste » qui atteint ses limites…
Comment avez-vous su préserver et transmettre l’esprit coopératif, ses valeurs, ses principes, notamment à la nouvelle génération de consommateurs ?
Tout simplement par notre raison d’être : la coopérative est là pour servir au mieux ses sociétaires, défendre les valeurs de la bio et perdurer.
La volonté des conseils successifs de porter et transmettre ces valeurs coopératives a permis de construire cette pérennité. Le conseil de Germinal a toujours fonctionné avec 12 membres, comme inscrit dans les statuts. C’est un signe d’engagement aussi de sociétaires qui, à un moment, ont envie de donner de leur temps pour participer de l’intérieur à cette grande aventure.
Plus récemment, le conseil s’est engagé dans une réflexion sur la place du sociétaire dans sa coopérative. Les sociétaires ont été invités à des soirées de réflexion et à des conférences de Jean-François Draperi (maître de conférences en sociologie et directeur du centre d’économie sociale Travail et société (CESTES) au CNAM, rédacteur en chef de la revue internationale de l’économie sociale, Recma [www.recma.org]). Il est important de pouvoir se situer dans un mouvement historique, de comprendre que le modèle coopératif dépasse notre propre projet.
Connaître les sociétaires, être à leur écoute, leur donner envie de s’engager pour prendre, demain, une place plus importante dans la participation à la vie coopérative, ce sont les idées qui aujourd’hui orientent notre travail.
Nous avons mis en place des outils de communications adaptés et explicatifs de notre modèle auprès de nos consommateurs : fresque dans nos magasins, dépliants. Aujourd’hui nous devons rendre plus concrètes encore ces informations surtout pour les nouveaux sociétaires qui sont environ 1000 de plus par an. Nous avons conscience que nous devons aussi travailler sur notre image, oser affirmer que nous sommes différents et expliciter ces différences.
Nous avons réalisé un questionnaire en direction de nos sociétaires sur leur perception de Germinal et de son cœur de métier.
Depuis 2 ans, une commission sociétaire se réunit régulièrement. Issue d’un groupe d’administrateurs, elle réunit aujourd’hui une douzaine de sociétaires actifs. Cette commission a rédigé une charte du sociétaire actif qui a été validée en mai dernier par le conseil. Elle permet au sociétaire de pouvoir s’engager dans un cadre bien précis.
Ce groupe de sociétaires actifs s’est aussi impliqué dans l‘organisation d’événements non-marchands à destination des sociétaires/clients : le festival Alimenterre avec choix et projections de films, venue d’un Repair’Café et d’autres associations autour de la réduction de notre empreinte écologique par la réparation, le faire soi-même et le zéro déchet.
Aujourd’hui, le projet de ce groupe est de revenir au plus près des sociétaires, c’est-à-dire dans les magasins, pour tisser des liens avec eux, des relations non- marchandes autour d’échanges de savoirs, de moments conviviaux dans un espace qui serait « réservé » à la vie coopérative. Construire cette dynamique demande beaucoup d‘énergie, de détermination. Nous avançons à petits pas, quelque fois nous prenons des fausses pistes, mais chaque « erreur » nous permet de mieux comprendre ce que nous voulons mettre en place.
La présence de sociétaires actifs permet aussi d’élargir, d’enrichir la réflexion des administrateurs. Et nous sommes bien là à l’essence même de la vie coopérative.
Partager les valeurs à l’intérieur de notre coopérative mais aussi à l’extérieur donne encore plus de force et de sens à l’esprit coopératif. Aujourd’hui, nous travaillons avec d’autres coops de consommateurs du réseau Biocoop notamment lors de réunions de travail. Ces temps d’échanges de savoirs, d’analyse réflexive de nos fonctionnements donnent des ouvertures, de nouveaux horizons. La coopération peut être aussi une aide concrète à d’autres coops.
Ainsi nous nous nous repositionnons dans le vaste mouvement coopératif.
Germinal
Coopérative de distribution de produits bio
Chiffres clés
Création : Mai 1974
Objet de la coopérative : distribution de produits de qualité biologique en épicerie sucrée et salée, produits frais, fruits & légumes, produits en vrac, produits cosmétiques & diététiques, produits de la maison
Coopérative à Conseil d’administration, 12 membres
Plus de 17 000 sociétaires, entre 6 000 et 7 000 sociétaires actifs
75 salariés
Les sociétaires réalisent 83% du chiffre d’affaires
13, 5 millions d’euros de chiffres d’affaires
4 magasins sur les communes d’Auxerre, Perrigny, Sens et Tonnerre
Germinal est sociétaire de la coopérative de magasins Biocoop
Yonne (89)
Mai 2020